Avant l'été, nous vous présentions en substance le nouveau projet de loi de Cécile Duflot, pour l'accès au logement et urbanisme rénové (ALUR – nom
de code « Duflot 2 » dans les ministères).
Pour rappel, la loi
« Duflot 1 » , de périmètre beaucoup plus limité, et entrée en
vigueur en août 2012, limite simplement l'augmentation des loyers -à la
relocation ou au renouvellement de bail- à la hausse de l'indice de
référence, sauf dans les cas où le loyer précédent était
manifestement sous-évalué par rapport au marché.
Le mardi 17 septembre, le projet de loi Duflot 2 a passé une première étape, puisqu'il a été adopté
en première lecture à l'Assemblée Nationale, par
312 voix contre 197.
Il passera l'examen du Sénat en
première lecture à la fin octobre.
Comme
nous l'avions détaillé, la loi instaure notamment:
- la
garantie universelle des loyers (GUL): Ce
dispositif obligatoire, qui devrait rentrer en vigueur au plus tard
en 2016, sera alimenté par un prélèvement de 1 à 2% du
loyer, payé à parts égales par le propriétaire et le locataire.
Un établissement public sera chargé de percevoir cette taxe et de
rembourser les propriétaires dont les locataires sont défaillants.
Les modalités
d'exercice de la garantie obligatoire – remboursement des impayés
et conditions exigées pour le bénéfice de celle-ci – "seront
précisées par décret, dans le but d'éviter la
déresponsabilisation des locataires et des bailleurs, et maîtriser
le coût du dispositif", annonce le gouvernement
- et l'encadrement des
loyers, qui
concerne les 28 agglomérations identifiées comme "tendues" (dont Paris bien entendu). Dans ces zones, les bailleurs ne pourront plus fixer leur loyer librement. Un loyer médian de référence sera établi par type de bien et par localisation,
via des observatoires des loyers locaux, à partir duquel sera calculé un loyer plafond (loyer médian de référence majoré
de 20%), au-delà duquel le propriétaire ne pourra pas aller, mais
aussi un loyer plancher (inférieur de 30% au loyer médian) en deçà
duquel il pourra demander une hausse.
Dix-neuf
observatoires pilotes ont été mis en place, avant le maillage
complet du territoire prévu à la mi-2014.
Au-delà de ces 2 mesures-phare, les 86 articles de la loi réforment
en profondeur de nombreux aspects de la politique du logement:
modification des règles régissant les copropriétés (obligation
pour les syndics d'ouvrir un compte séparé pour chaque propriété
dont ils ont la charge), lutte renforcée contre les « marchands
de sommeil », suppression des COS (coefficient d'occupation des
sols), responsabilisation des intermédiaires pour la location
saisonnière (qui devront informer le loueur des obligations légales,
et obtenir de ce dernier, avant la location du bien, une déclaration
sur l'honneur attestant du respect de ces obligations),..
Ce projet de loi
suscite un tollé parmi les professionnels de l'immobilier, depuis
plusieurs mois, comme nous l'évoquions
dans notre précédent article.
Le président de la FNAIM,
Jean-François Buet, a lancé une pétition au début de l'été,
appellant tous les agents immobiliers adhérents à suspendre l'envoi
des données pour alimenter les 19 villes pilotes où sont mis en
place des observatoires des loyers. Il a recueilli 10 000 signatures.
Le dispositif d'encadrement des loyers notamment, est
rejeté unanimement.
Tous sont persuadés que ce dispositif va affecter la
situation des locataires, et à terme, faire flamber les loyers:
«Les propriétaires-bailleurs vont voir tomber la rentabilité de
leur investissement, estime François Davy, président du groupe
Foncia, le plus gros administrateur de biens en France. Beaucoup
ne placeront plus leurs économies dans la pierre. Il y aura moins de
logements à louer et les loyers repartiront à la hausse.»
«Les cadres sup auront plus intérêt à acheter des murs de
boutique que des logements à louer», prévient Laurent Vimont,
président du réseau d'agences immobilières Century 21.
Beaucoup de questions se posent aussi sur l'application de cette loi, la valeur d'un appartement pouvant varier considérablement d'une rue à l'autre, et même d'un étage à l'autre.
Beaucoup craignent également une dégradation du parc immobilier (si
les loyers sont plafonnés, les propriétaires seront tentés d'engager
un minimum de frais).
Sans compter les effets pervers de la loi, car
les bas loyers pourraient être amenés à augmenter, le propriétaire
disposant lui aussi d’un recours en réévaluation du loyer si
celui-ci est inférieur au loyer de référence minoré.
Concernant
la GUL (garantie universelle des loyers), la crainte principale est évidemment la déresponsabilisation
des locataires, en les incitant à ne plus payer leur loyer (puisqu'un organisme public pourra le payer à leur place).
Le coût du dispositif serait également largement sous-évalué, selon les professionnels de l'assurance. La garantie des loyers impayés proposée
aujourd'hui par des assureurs privés représente déjà 2,5 %
du loyer (loin des 1 à 2% prévus par le projet de loi)
Et chez Homelike Home, que pensons-nous de ce projet de loi?
Nous trouvons les craintes exprimées, tout à fait justifiées.
Nous cotoyons régulièrement des clients ou prospects, qui renoncent à investir dans l'immobilier locatif, une fois calculé un taux de rentabilité réaliste, mis en face des risques encourus (incertitudes sur les travaux à venir dans les copropriétés anciennes, risque de loyers impayés, etc.), et ajouté aux "flottements" récents sur l'imposition sur la plus-value des résidences secondaires.
Il est certain qu'avec cette nouvelle loi, les investisseurs vont se faire plus rares, surtout si le calcul des loyers médians par l'observatoire des loyers, ne prend pas suffisamment en compte la valeur intrinsèque des biens.
Nous sommes les premières à prévenir nos clients de ne pas prendre comme référence de prix les moyennes diffusées par les notaires, car l'appartement-type ciblé par leur cahier des charges, n'a souvent pas grand-chose à voir avec le produit moyen vendu à Paris! (majorité d'appartements en étages bas, avec travaux, plans non exploitables, etc.). Nous reviendrons d'ailleurs très prochainement sur le blog, sur cette notion d'appartement "à défauts" vs appartement "sans défaut", dont nous parlons souvent.
La GUL, qui va être en quelque sorte un nouvel impôt imposé aux propriétaires-bailleurs, va aller également dans le sens de la dégradation de la rentabilité locative.
Un autre aspect, peut-être plus spécifique à Paris, nous semble également à prendre en compte. Dans la capitale, avec la flambée des prix, de nombreux foyers n'ont absolument pas les moyens d'acheter leur résidence principale: 34% de ménages seulement sont capables d’acheter un bien immobilier
répondant à leurs besoins à Paris, contre 62% en moyenne dans les grandes métropoles de province (baromètre CAPACIM). Ces dernières années, nous avons vu de nombreux acquéreurs parisiens décider, face à la réalité des prix, de devenir locataires de leur résidence principale, et d'acheter un appartement plus petit en investissement locatif. Comment amortir cet achat, avec l'augmentation de l'imposition sur les revenus locatifs, et l'encadrement des loyers, surtout quand ces biens ont été achetés au plus haut du marché?